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Parfois ça fait du bien de lire des chroniques…

Parfois ça fait du bien de lire des chroniques d’albums ! Merci Michel Kemper :

La griffe Sylvain GirO !

Quand, au milieu d’une pile de disques candidats à la chronique, vous avez un Sylvain GirO (concédons-lui ce caprice typographique), vous savez que la partie est inégale, que les jeux sont faits, qu’imman- quablement il sortira du lot. Que nous sommes en chanson mais dans une toute autre dimension, que dans l’art de notre Breton résonne l’histoire et le mystère de toute la chanson, ici de ces musiques populaires européennes et du monde dans lesquelles il puise ses influences. Toute la chanson, toutes les époques aussi, comme, dès l’entame du disque, ce Le Chant de la où des notes tirées de je ne sais quel moyen-âge vont féconder des sons autrement plus modernes. Sans vouloir fixer Giro dans le folk (il en vient tout de même), je n’ai pas le sentiment d’avoir entendu plus audacieux depuis Malicorne (Tremblez de toi est proche de certaines audaces de Gabriel Yacoub…). Qu’il sache que, de ma part, c’est bien plus qu’un compliment.

Sylvain GirO s’entoure cette fois d’un chœur, « Le Chant de la Griffe » (Héléna Bourdaud, Elsa Corre, Youenn Lange, Sébastien Spessa ainsi que François Robin aux chant, machines, violon, duduk et veuze), pour une nouvelle création vocale et polyphonique : des artistes qui ont fait leurs armes au sein de Lo Cor de la Plana, Barba Loutig ou encore Les Soeurs Tartellini. Peu lui importe que ces chansons soient toutes de lui (dont au moins deux tirées de son passé : Le Batteur de grêve, chanson-titre de son premier album solo, et La Rue des Lilas, implacable chanson anti-guerre, récent inédit discographique de son ancien groupe Katé-Mé), GirO a la modestie de considérer ce travail comme œuvre collective. Et de fait, ça l’est. Le chant polyphonique est rare : sachez l’apprécier.

Revenons à La Rue des Lilas. « Ce soir je meurs sous vos bombes / Pourtant je n’ai rien fait pour ça / Je ne suis qu’un simple flâneur dans la ville / Sur le trottoir de la rue des Lilas… » Écrite pour un autre et précédent conflit, elle résonne à la manière d’une gifle en cette guerre que rageusement mène la Russie contre l’Ukraine. Le dernier couplet nous rappelle au dernier de La Chanson de Craonne, « au profit de gens qui toujours se connaissent / mais ne se massacrent pas ». Exemplaire !

Chacun des onze titres mérite attention. L’épure et le mystère, la poésie, des idées qui en percent l’écorce et bourgeonnent, ces voix intimement mêlées, ces musiques…

« Je suis le chantre de nos éventuels / Quand on se noue, quand on s’imbrique / Quand n’y tenant plus on s’emmêle / Au creux d’une secrète crique… »

J’ai comme dans l’idée qu’on ne peut tout à fait savoir ce qu’est la chanson, ce qu’elle peut être, ce qu’elle pourrait devenir, sans passer par la case Giro, ce chanteur qui va son chemin dans la beauté, dans l’exigence, dans l’excellence, à ce jour sans la moindre faute. Ma répugnance aux mauvais calembours m’interdit de dire que Giro est un phare, mais…

Michel Kemper – Nos enchanteurs, le quotidien de la chanson – 13 mai 2022